Colloque international « Repenser le droit musulman classique : le fiqh est-il applicable en tant que droit ? », 13-15 novembre 2013

Jusqu’au milieu du siècle dernier, on croyait le caractère théorique du droit musulman fermement établi grâce aux travaux de Joseph Schacht et de Noël Coulson notamment. Au cours des trente dernières années cependant, des recherches novatrices ont remis en question l’idée de l’immuabilité de la déontologie juridico-religieuse. Ces études ont en effet permis de reconsidérer la pratique du droit musulman sans détruire la vision sous-jacente de la dichotomie théorie/pratique qui définit ce droit. De nos jours où la « sacralité » du droit musulman acquiert une importance politique majeure, il nous apparaît indispensable de repenser le droit musulman classique.

Ces quatre dernières années, le projet ILM (Islamic Law Materialized) a établi un corpus de 2 000 documents légaux arabes — avec plus de 50 000 séquences textuelles — rédigés du viiie au xve siècle. Son but est d’analyser la relation étroite entre les documents légaux, vestiges de la pratique légale pré-moderne, et la pensée juridique (fiqh) de l’époque. Les résultats démontreront que « les concepts théoriques » du fiqh sont essentiels aux pratiques notariales et judiciaires auxquelles ils confèrent  une cohérence juridique.

Dans une telle perspective, le prétendu antagonisme entre théorie et pratique inhérent à la pensée juridique classique et au droit appliqué gagne à être réexaminé. Notre appel à contributions s’adresse à ceux qui étudient le droit musulman (fiqh) pré-moderne en tant que système légal tel que Joseph Ratz l’entend. Cette approche amène à traiter des mécanismes de la pensée juridique dans leurs relations avec le droit appliqué et à les confronter avec certains phénomènes, par exemple les dispositions contradictoires des normes transmises ou encore les récits des scandales judiciaires. 

Les thèmes proposés concernent les domaines suivants :

- l’application des normes juridiques dans la pratique légale (documents, affaires judiciaires et fatāwā) ;

- les règles du fiqh en tant que système de normes légales et en particulier : l’imbrication des normes dans la casuistique juridique, les normes effectivement mises en pratiques et valides ou le fiqh en tant que système de normes légales en évolution ;

- le rôle des acteurs principaux du droit (juristes, juges, etc.) dans l’élaboration, la transmission et l’application du droit musulman ;

- les modes de transmission des normes : enseignement et formes de littératures légales (manuels, œuvres encyclopédiques etc.) ;

- les différents canons de la littérature juridique;

- l’évolution des concepts juridiques au sein du fiqh ;

- les cas judiciaires et juridiques qui se réfèrent au fiqh ;

- la pratique notariale (documents légaux et littérature des šurūṭ) ;

- les coutumes et les normes du fiqh (questions ontologiques).