L’istibdāl dans la justice mamelouke

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Lahcen Daaïf

Le waqf consiste dans l’immobilisation d’un fonds (ʿayn) au bénéfice des pauvres et des nécessiteux ou des personnes nommément désignées dans le testament du wāqif. Il est appelé à un moment donné de son histoire à passer par l’istibdāl pour se renouveler et renforcer son utilité publique quand elle est en déclin.

Sous les Mamelouks où ce procédé a connu un grand essor, les gens y recouraient souvent dans le mağlis al-ḥukm al-ʿazīz. Sa réalisation dépendait d’un système judiciaire qui se faisait en plusieurs étapes distinctes et espacées dans le temps. Il nécessitait le dépôt d’une qiṣṣa (requête) auprès du juge des juges (qāḍī l-quḍāt), une fois que l’expertise du bien, objet de l'istibdāl, était faite.

Voici les quatre étapes majeures de cette procédure dans l'appareil judiciaire mamelouk :

1) vérification de la validité du statut de mainmorte de l’objet du waqf,

2) examen de la demande en tenant compte des évaluations des experts (ahl al-ḫibra) et de l’avis de l’assistant (nā’ib) du juge supérieur,

3) évaluation de l’intérêt du remplacement du waqf (d’où le nom d’istibdāl) pour ses bénéficiaires,

4) le juge des juges décide de donner ou non son autorisation (al-iḏn al-šarʿī) en faveur de l’istibdāl.

Une bonne dizaine de documents mamelouks dont nous disposons dans notre base de données CALD font état, à travers des passages clés en langue juridique codifiée, des étapes de cette procédure, celles-là même que nous retrouvons à peu de choses près exposées en détail dans certains traités notariaux de l’époque.

Reste à réévaluer ce procédé juridique à travers l’histoire du waqf en examinant les actes légaux qui le concernent. On pourra ainsi mesurer l’efficacité socio-économique de l’istibdāl au Moyen Age dans les sociétés musulmanes, surtout proche-orientales.