Colloque 27-29 juin 2013 : mot d'ouverture

Lahcen DAAIF

Je voudrais tout d’abord exprimer mes remerciements chaleureux à toutes celles et ceux de l’assistance qui nous ont fait l’honneur de venir à ce colloque dès le premier jour. Je voudrais également souhaiter aux intervenants, au nom de tous mes collègues de la section arabe investis dans le projet ILM, Ch. Mueller, Jacqueline Sublet, Muriel Rouabah, Moez Dridi, Wissem Gueddich,  la bienvenue au Collège de France.

La section arabe de l’IRHT (Institut de recherche et d’histoire des textes) a accueilli depuis 2009 en son sein l’un des plus grands projets européens de recherche qui ait jamais été consacré en France aux études islamiques. Il s’agit du projet ILM (Islamic Law Materialized : le droit musulman et sa matérialisation الفقه الإسلامي مجسدا) sous la direction de Ch. Mueller. Comme l’indique son intitulé, ce projet est entièrement dédié aux actes légaux arabes de l’époque médiévale ; et afin de mener à bien cette tâche une base de données CALD (Comparing Arabic Legal Documents/Les documents légaux arabes comparés/مقارنة الوثائق الشرعية العربية ) fut conçue et créée dès les premiers mois du lancement du projet. Actuellement, cette base totalise plus de 3000 documents dont les trois quarts qui sont des actes légaux sont pour moitié inédits.

Rompant avec les workshops sur CALD, autrefois réservés aux spécialistes de papyrologie arabe et organisés à travers l’Europe (France, Espagne, Allemagne), l’équipe active du projet ILM a décidé d’organiser, mars dernier, pour la première fois une table ronde qui soit ouverte au public et entièrement consacrée aux performances de la base CALD. Cette table ronde a été l’occasion de faire connaître le résultat de nos travaux dans le cadre du projet ILM : les participants dans leur majorité, y ont abordé un éventail de thèmes relatifs à la pratique juridique, au système judiciaire et aux normes notariales dans une perspective analytique largement favorisée par le programme informatique de la base CALD.

Il nous a donc paru évident de poursuivre nos efforts dans cette perspective en mettant en évidence les autres aspects scientifiques de la recherche que recouvre le projet ILM relativement à la pratique juridique et à son lien indéfectible avec sa source qu’est le droit musulman (fiqh). Ce lien qui représente, rappelons-le au passage, le cœur de la problématique qui fut à l’origine du projet ILM lui-même. À la suite de plusieurs réunions animées, tenues régulièrement à la section arabe, l’équipe a estimé qu’il était temps de faire connaître plus efficacement le projet européen ILM, qui plus est, est à quelques mois de son échéance (fin 2013). Dans cette optique deux autres colloques internationaux ont été planifiés : celui-ci et un troisième et dernier qui marquera l’étape finale du parcours du projet, intitulé « Rethinking classical Islamic law : Can fiqh be applied law ?/Repenser le droit musulman classique : le fiqh est-il applicable en tant que droit » ; il se tiendra au Maroc dans le centre Jacques Berque à Rabat.

Pour ce qui est de notre colloque d’aujourd’hui, il fait y voir à la fois, la suite logique de la table ronde de mars et l’étape qui prélude au colloque du Maroc qui aura pour objet le fiqh. Ainsi, tout en prenant en considération le support incontournable que constitue la base CALD, nous ambitionnons d’étendre l’intérêt du projet ILM aux divers domaines de la papyrologie et de la diplomatique arabes. Le centre névralgique en sera le croisement ou du moins le rapprochement des spécialités parentes qui, curieusement, sont rarement amenées à entrer en contact, le dictat de la spécialisation oblige.

Les deux disciplines, celles de la papyrologie et de la diplomatique ont pour point commun l’écrit en langue arabe en l’occurrence. En tant qu’objet de recherche, l’écrit constitue le témoin fidèle d’un système de pensée juridique, d’une perception du vrai, d’une représentation du monde, somme toute il reflète la culture propre d'une société humaine à une époque et dans un lieu géographique donnés. Qu’il soit privé, officiel ou juridique, tout écrit est bon à exploiter pour étudier, revisiter et renouveler en conséquence notre approche sur l'étude des pensées des sociétés musulmanes médiévales. Afin de se prémunir contre la facilité d’élaboration de théories sans fondement et d’extrapolation à outrance, le support écrit reste le remède efficace, à condition de prendre le temps de le déchiffrer, de le comprendre et de l’analyser. Faute de ses trois étapes majeures dans l’étude de l’écrit, ou même de l’une d’elles, la tentation est grande de verser dans une facilité stérile. Dans la mesure où les témoignages historiques de l’écrit dans ces deux disciplines, la papyrologie et la diplomatique arabe, constituent en partie la plate forme matérielle du projet ILM, ce colloque a pour vocation première, le moment de son déroulement du moins, de jeter les ponts entre les différentes spécialités qui entrent en contact même indirectement avec ses deux grandes disciplines.

Etant à la base de toutes les interventions qui ponctuent ce colloque, on ne désespère pas de voir cet écrit sous diverses formes faire se rapprocher des spécialités différentes, se multiplier les points de croisement entre elles et partant se découvrir des intérêts communs à la faveur de l’interaction que les intervenants ne manqueront pas de susciter à cette occasion.

Il ne me reste plus qu’à espérer la réalisation de ce beau tableau dont j'ai brossé les traits principaux, en renouvelant encore fois mes souhaits de bienvenue et mes remerciements aux participants d’avoir répondu à notre appel à contributions.